«
Maman, papa est où ? » La petite fille châtain était habituée à voir son papa rentrer quand le soleil se couchait. Mais là, le soleil était déjà couché et il n’était toujours pas là. Sa mère, elle, était assise sur le matelas qui lui servait de lit. «
Il va rentrer ma chérie. Il va très bien, il ne lui est rien arrivé. » Bien sûr, elle tentait de se rassurer elle avant sa propre fille. Son mari était mineur. Il était le seul à avoir un vrai travail, la mère se « contentant » d’être mère porteuse. Ils vivaient dans une ville nommé Tomsk. Ce n’était pas Moscou, mais ce n’était pas non plus la ville la plus dépeuplée de Russie. Ils vivaient dans un petit appartement qu’ils partageaient avec deux autres familles. Quand je dis famille, j’entends père, mère et un enfant. Les trois pères travaillaient dans la même mine et, ce soir, aucun des trois n’étaient rentrés à l’heure. N’en pouvant plus d’attendre, la jolie brune de 25 ans se leva et alla dans la cuisine avec les deux autres mères qui étaient en train de pleurer leur mari. Elle tenta de les réconforter. Leurs maris n’étaient pas morts. Les hommes morts dans la mine, ça n’arrive qu’aux autres, n’est-ce pas ? Elle fit du thé et tenta de se rassurer elle-même. Son mari n’était pas mort. Il ne pouvait pas l’être. Sa fille n’avait que quatre ans. Et s’il ne revenait pas, elle devrait surement trouver quelque chose d’autre à faire. Pour le moment, elle n’était pas enceinte, et s’il ne revenait pas, la mère et sa fille n’auraient bientôt plus de quoi vivre. «
Maman, y’a quelqu’un à la porte ! » A la phrase de la petite Anastasia, les trois mères se précipitèrent d’un pas commun vers l’entrée de leur petit refuge. Ce fut la mère blonde qui ouvrit la porte. Derrière se trouvait un mineur. Mais ce n’était pas leur mari. Le sourire se voulant réconfortant de l’homme face à elles les mit devant le fait accompli. Elles étaient désormais trois veuves, seules avec trois enfants, deux filles et un fils. Et elles n’auraient plus de revenus d’argent pendant un petit moment.
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Avant de sortir de la maison, la jeune femme embrassa sa fille sur le front. Depuis un an, depuis la mort de son mari, elle avait pris un nouveau travail. Non, elle ne se prostituait pas. Oui, elle avait arrêté de se proposer en tant que mère porteuse. En réalité, son travail était beaucoup plus valorisant. Elle travaillait dans une boulangerie qui était à une vingtaine de minutes de son appartement qu’elle partageait toujours avec les deux mêmes femmes et leurs enfants. L’une d’elle avait accouché d’un fils du nom d’Aloys. Les enfants s’entendaient tous particulièrement bien et l’aîné, de 13 ans, gardait un œil sur eux lorsque leurs mères allaient travailler. Ce jour-là allait changer la vie d’une mère et de sa fille pour toujours. Elena, la mère de la petite Tasha venait d’arriver à la boulangerie et allait se mettre en fourneaux lorsque son patron (et meilleur ami) l’appela pour lui annoncer que, ce jour-là, elle serait en caisse, face aux clients. Il s’inquiétait pour sa meilleure amie. Depuis la mort de Kristoff, elle ne faisait plus rien. Elle venait travailler, et repartait chez elle où elle ne prenait même pas le temps de s’occuper de sa petite fille. Elle dormait le plus gros du temps et sinon, elle travaillait. Elle ne mangeait presque plus et ce qu’elle avalait était ce que son ami Stan lui faisait manger de force pour la garder en vie. Elle se laissait tout simplement mourir. Qui ne l’aurait pas fait ? Elle avait perdu l’homme de sa vie. «
Écoute-moi bien Elena. On m’a commandé un gâteau d’anniversaire aujourd’hui. Un homme qui vient de Moscou et qui a de la famille dans la région va venir le chercher. Essaye au moins d’être agréable hein. Je te fais confiance. » Stan pensait qu’en lui donnant des grandes responsabilités, elle prendrait du courage et aurait de nouveau l’envie de se battre. Il ne se savait pas alors qu’il venait de signer son départ et de faire son malheur. Après les bonjours échangés, le jeune homme leva la tête et ses yeux rencontrèrent ceux d’Elena. Vous croyez au coup de foudre vous ? Eux manifestement, oui.
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«
Bonjour, tu dois être Tasha, c’est ça ? » La jeune rousse de 9 ans rigola «
Non, moi c’est Anastasia, Tasha, c’est elle là-bas, avec le doudou dans les mains. » De son doigt frêle, elle pointait une petite fille repliée sur elle-même dans un coin. En effet, dans ses bras menus, elle tenait une peluche d’un phoque et elle semblait parler à quelqu’un. Quelqu’un qui n’existait que pour elle. Quelqu’un qui lui avait promis qu’un jour, elle partirait loin d’ici et de ses deux frères insupportables. Mais il lui avait promis qu’en partant, elle emmènerait Anastasia avec elle aussi. Parce que Anastasia elle, elle était gentille. Elle venait lui parler et même des fois, elle parlait avec Alexi, son ami. Elle lui parlait à ce moment-là, il lui promettait encore une fois de partir loin avec elle et Anastasia. Elle releva la tête et tomba nez à nez avec un homme blond. Il souriait. Il avait l’air gentil. «
Tu t’appelles Tasha, c’est ça ? » La petite fille de six ans acquiesça. «
Je m’appelle Andrej. Je viens de Moscou et ta maman et moi sommes amoureux. Nous allons tous aller emménager à Moscou. Enfin du moi, Elena ta maman, toi et moi. » «
Et Anastasia. » Ce n’était pas une question. Le regard de la jeune fille disait tout. Elle ne partirait pas sans Anastasia. «
Mais sa maman, elle… » «
Sa maman accepte avec plaisir » lança la femme rousse derrière Andrej. Elle tenait par le poignet une petite fille rousse qui souriait à Tasha de toutes ses dents. Impossible de résister à ses deux regards d’une tendresse infinie, l’homme accepta. Deux jours plus tard, Andrej, Elena, Tasha et Anastasia étaient dans l’avion vers Moscou. Durant le voyage, l’homme blond expliqua rapidement à Tasha et Anastasia que désormais, elles auraient le nom de famille d’Elena, du moins jusqu’à leur mariage, et qu’après ça, ils déménageraient, certainement en Amérique. Mais pour le moment, l’heure était aux présentations, et, bien qu’une grande partie de sa famille soit en Amérique et l’autre à Tomsk, sa mère, elle, vivait sur Moscou. Arrivés dans la capitale, les quatre personnes se comportaient déjà comme une famille. Les filles étaient connues comme les Levseïev, trois personnes venues d’un petit bled de Russie, prises sous l’aile d’un riche entrepreneur Russe.
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«
Anastasia !!! Rends le moi ! » «
Non, c’est le mien ! Tu me l’as donné ! » «
C’est MON phoque ! Rends-moi mon phoque ! » Les deux jeunes filles s’amusaient à se lancer la peluche phoque de Tasha depuis une demi-heure, lorsque, d’un coup de maître, Anastasia mit fin à ce jeu en gardant le phoque pour elle. La rencontre avec la mère d’Andrej s’était plutôt bien déroulée selon les petites filles, qui avaient étés bourrés de gâteaux et de bonbons. La réalité malheureusement, avait été beaucoup plus sombre. Lorsqu’Elena s’était présenté à la mère Brodovitch, celle-ci l’avait dévisagé et avait regardé son fils d’un air de dire « mon fils, qu’as-tu encore fait ? » Ce que, d’ailleurs, elle avait dit, quelques minutes plus tard. Pour elle, son fils était un travailleur et il n’avait rien à faire avec une femme. Oui, elle était l’inverse des mères en général, qui n’ont qu’une envie, celle d’avoir des petits-enfants mais elle non. Pour une raison plutôt logique, les enfants, elle n’avait jamais aimé ça. Lorsqu’ils étaient tous les quatre partis en Amérique, ils avaient alors rencontrés le reste de la famille d’Andrej qui, encore une fois, ne leur avait pas prévu un accueil des plus chaleureux. Lorsqu’Elena entra dans la pièce où les deux filles étaient en train de se battre, elle avait l’air complètement pressée et stressée. «
Oh mes chéries, vous êtes là, on attend plus que vous enfin. Lâchez Spock le Phoque et venez donc assister au mariage de votre mère. Espèce de filles indignes. » Elle les embrassa sur le front et rigola doucement, suivit par les deux filles de 7 et 10 ans. Bien sûr, elles n’étaient pas des filles indignes, bien sûr, elle ne le pensait pas. Elle ressortit de la pièce avec deux petites filles derrière elle. Elle se précipita presque dans l’allée, manquant de tomber à plusieurs reprises. Bien sûr, l’audience en rit. Les deux filles étaient en face d’un garçon d’un pu près leur âge, le premier fils d’Andrej. Anastasia ne l’aimait pas. Tasha par contre… Les vœux furent prononcés, les alliances échangés, et Elena Levseïev devint Elena Levseïev Brodovitch.
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«
T’es qu’une … Une putain, voilà ce que t’es ! Jamais je n’aurais dû te ramasser dans ton bled pourri. » Les filles maintenant âgés de 10 et 13 ans étaient collés à la porte de leur chambre pour entendre ce qu’il se disait. Peu de temps après le mariage, la relation du couple a commencé à dégénérer. Ils s’aimaient toujours autant, mais ils se disputaient de plus en plus. La conversation commençait souvent pas un « Et si on s’agrandissait ? » d’Andrej et terminait dur un « T’es une bonne femme, mais tu sais même pas faire d’enfants », toujours d’Andrej. Alors oui, ils ne passaient pas une soirée sans se disputer, mais jamais il n’a levé la main sur elle. Jamais ils sont partis de ses disputes sans finir par un « je t’aime » échangé. C’était de l’amour, du vrai. «
Non mais dis donc Andrej, le bled pourri c’est aussi ta ville d’origine, alors un peu de respect hein ! » répliqua-t-elle froidement. Il reconnut son erreur, et les deux filles passèrent la tête par la porte pour voir leurs deux parents s’embrasser. «
BEURK ! » lança Anastasia. Elle rigolait, bien sûr. Elle aimait voir Elena et Andrej heureux, et elle aimait protéger sa petite Tasha contre tout. Cette dernière ne parlait plus avec Alexis, qui avait dû être abandonné quelque part entre la Russie et l’Amérique. Maintenant, elle ne parlait qu’à sa grande sœur et sa mère. Et ils étaient heureux. Une vraie famille parfaite. «
Je vais chercher du pain, je reviens. » Andrej sortit de la maison, suivit de peu par Elena qui allait, elle, faire les courses. Pendant deux heures les petites filles furent seules dans la maison. Puis, Elena rentra. «
Bah, votre père est pas rentré ? » Les filles hochèrent négativement la tête. Puis, la sonnette retentit. Et une impression de déjà-vu pour les trois filles se produisit. La mère s’approcha de la porte à contrecœur, et ses jambes la lâchèrent lorsqu’elle reconnut un gendarme derrière la porte. En arrière-plan, la plus jeune des deux filles pleurait dans les bras de la plus âgée. «
C’était un accident. Nous avons prévenu sa famille. » Sa famille qui, dès la fin de la première visite chez le notaire, s’empressa de clamer que leur parent n’était pas mort d’un accident mais d’un meurtre arrangé par Elena. La corruption faisant son travail, Mme. Brodovitch, redevenue Mlle. Levseïev se fit arrêtée quelques jours plus tard.
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«
Salut Tasha… » La châtain regarda le fils d’Andrej. Il était tellement beau. Châtain, à l’inverse de son père, avec les yeux bleus gris, comme son père. «
Salut Tim… Ça va ? » Il haussa les épaules pour bien montrer qu’il n’allait qu’à moitié. En même temps, son père venait de mourir. Alors forcément, il allait pas danser la java. «
Dis Tash… » «
Oui ? » Il s’approcha d’elle et la pris dans ses bras. Il avait besoin de confort, c’était normal. Lorsqu’il la desserra il lui sourit et lui dit, doucement «
Dis, tu diras la vérité hein devant les juges ? » «
Mais Tim, c’est ma maman… » «
Et moi je suis ton amoureux. Dis, tu peux faire ça non ? » Elle avait 10 ans, elle aurait pu être moins naïve, mais non, c’était elle. Et Tasha, lorsqu’elle avait 10 ans, elle était naïve. Deux jours plus tard, elle passa devant une cour et un avocat lui posa des questions. Durant tout ce moment-là, elle hésita à lui faire remarquer qu’il avait une tâche de chocolat sur la joue. «
Donc, des sources nous affirme que vos parents se disputaient souvent. » «
Tout le temps oui. » Elle ne remarqua pas le rictus sur les lèvres de la famille d’Andrej. Elle, elle pensait qu’elle les aimait comme faisant partie de leur famille. Mais bien sûr, la naïve Tasha avait faux. En effet, si Andrej avait délibérément donné tout son argent sur son testament à sa femme actuelle et ses deux filles, il y avait une raison. Cette raison ? Sa famille était composée de garces manipulatrices. «
Vous aviez besoin d’argent ? » «
Non. » «
Si Andrej n’avait pas été là, vous en auriez eu besoin. » «
Oui, on était pauvres avant. » Elle ne disait que la vérité. Mais la vérité, tournée d’une certaine façon, elle pouvait faire du mal. Beaucoup de mal. Une semaine plus tard la châtain était en train d’attendre la sentence avec sa sœur. Lorsque les portes s’ouvrirent, ce fut un Tim tout souriant qui sortit de la salle. Anastasia baissa la tête, mais Tasha lui sourit aussi. «
Elle est sauvée ? C’est pour ça que tu souris ? » Ce jour-là, il lui rit au nez. «
T’es vraiment trop bête. Comme maman dit, t’es euh…naïve. Grâce à ton témoignage les gens ont pensés qu’Elena avait organisé le meurtre de papa pour recevoir l’argent. Ta maman, elle sortira pas de prison de sitôt. »
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Cher journal,
Aujourd’hui, j’ai 16 ans. Alors ouais, c’est Ana qui m’a offert un journal. Elle m’a dit que, vu que je ne parlais presque plus et que les seuls mots que je disais étaient ‘bonjour’, ‘au revoir’, ‘s’il te plait’ et, bref, toutes les banalités qui vont avec, ça me ferait du bien de quand même me confier à quelqu’un. Elle se trompait. J’adore écrire, et elle m’a fait promettre de noircir au moins une page. Bien. Et puis bon, puisque je suis obligé d’écrire, autant écrire sur ce qui me dérange non ? De toute façon, je sais que dès qu’Anastasia aura vu que j’ai écrit dessus, je le brulerais juste devant elle. Voilà, il y a 5 ans, je parlais encore normalement. D’ailleurs, j’étais même une vraie pipelette. Et le jour du procès, ce furent les paroles de trop. Si je n’avais pas témoigné pour les beaux yeux d’un connard ambulant, jamais ma mère ne serait allée en prison. C’était de ma faute. Malgré ce que me répète Anastasia. D’ailleurs, je trouve ça drôle, parce que je vois qu’elle m’en veut, je le vois. Mais pourquoi, elle ne peut s’empêcher de me répéter que ce n’est pas de ma faute. C’est stupide. Bref, je pense que tu veux savoir ce qu’il s’est passé après le procès ? Et ben, disons qu’on a dû batailler pour qu’ils nous envoient toutes les deux dans la même famille d’accueil. Et heureusement qu’Andrej nous avait obligé à porter le même nom de famille parce qu’on a pu faire croire qu’on était demi-sœurs. Bon après, quand on a été sûres de pouvoir toutes les deux rester sous le même toit, Anastasia a pris le temps d’expliquer toute notre enfance à nos parents d’accueil. Ils ne peuvent pas avoir d’enfants. Ils sont tellement… Ils sont adorables. Ils pensent que je ne leur parle pas parce que je ne les aime pas. Mais c’est le contraire. Ma parole a déjà fait beaucoup de mal à des personnes que j’aimais et je ne veux pas recommencer. Donc je ne parle pas. On vit depuis pas mal de temps avec eux. C’est normal. Parce qu’en fait, deux ans après le placement, ils ont lancés une demande d’adoption pour nous deux qui s’est finie assez rapidement. Donc aujourd’hui, nous sommes officiellement des Finnigan. Par contre, et je les en remercie d’avoir accepté et d’avoir compris, Anastasia et moi, on a gardé le nom de famille d’Elena. Du coup, on est des Levseïev-Finnigan. C’est plutôt cool. Evidemment, on se fait charrier et on nous demande souvent si on connait Harry Potter. Sincèrement, j’dois avouer que c’est plutôt marrant. Mais bon voilà quoi…
Bon bah voilà, je l’ai noircie ma page. J’avoue, c’était cool, mais bon, c’est la dernière fois qu’on se voie. Paix à ton âme, journal intime d’un jour.
Tash la tâche (Ouais, merci à Anastasia pour le surnom…)♦♦♦ ♦♦♦ ♦♦♦
La jeune châtain marcha derrière sa sœur pour entrer dans le lycée. «
Bonne journée Tashoune. » Le regard tueur de l’autre jeune fille la fit rire et elle partit vers son groupe d’amis. Parce que oui, la plus âgée avait des amis. Au contraire de sa petite sœur qui, d’habitude, passait ses journées seule avec sa musique. J’ai bien précisé d’habitude hein. Parce que voilà, depuis quelques jours, un nouveau était arrivé au lycée. Il était blond et avait les yeux gris. Mais bien au-delà de son physique de beau gosse, c’était quelqu’un de particulièrement intéressant qui avait décidé de s’intéresser à la pauvre Tasha plutôt qu’aux filles types cheerleaders qui lui couraient après. Il s’asseyait à côté d’elle pendant les récréations, les temps de pauses ou même au déjeuner. Les gens les regardaient d’un œil mauvais. Il s’asseyait juste et faisait la conversation seul. Ne l’obligeant pas à répondre. Et elle appréciait ça. Elle l’observait, le dessinait. Et elle l’écoutait. Il lui parlait de lui, de sa famille, ou de ce qu’il en restait. Sa mère était morte, battue par son père. Et celui-ci n’avait pas été en prison. Avec ce qu’il savait, il aurait pu l’y envoyer, mais il n’avait jamais voulu parler. Et il vivait avec son père, à qui il n’avait jamais vraiment pardonné. Mais il était heureux. Son père avait arrêté de boire et suivait des thérapies. Au déjeuner, elle s’assit sur le banc habituel, là où Felix la rejoignait habituellement. Il s’approcha d’elle quelques minutes plus tard. Lorsqu’il s’assit à côté d’elle, il sortit quelque chose de sa poche et lui montra une belle chaîne en argent. «
Tiens, je t’ai acheté ça, elle te plaît ? » Un sourire franc s’afficha sur le visage de la châtain. Il s’éteignit rapidement et, alors qu’il avançait ses mains vers elle prit ses mains dans les siennes pour les repousser. «
Qu’est-ce qu’il se passe beauté ? » Oui, ils sortaient ensemble, plus ou moins. Ils s’étaient embrassés deux fois. Sans rien dire, elle se leva et s’en alla. Loin de lui et loin de ses remords.
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«
Je comprends pas, c’est tout. Écoute, je n’ai pas à te juger. Mais tu comprends qu’après ce que je t’ai fit. Enfin, ce que tu sais de mon histoire, nous deux c’est… C’est trop pour moi. J’ai juste besoin de temps pour réfléchir. Juste du temps. » Il ne lui avait dit que ça avant de se lever du banc et de repartir. Elle avait refusé de lui parler. Catégoriquement. Mais elle lui avait laissé une feuille. Une feuille qui expliquait tout. Qui expliquait son histoire. Elle expliquait qu’elle avait fait enfermé sa mère alors qu’elle était innocente involontairement par amour d’un garçon qui s’était joué d’elle. Elle insistait sur le fait qu’elle s’en voulait et qu’elle ne le pardonnerait probablement jamais. Pour finir sur le fait qu’il avait probablement fait le bon choix en ne dénonçant pas son père. Le lendemain, il était venu la voir et s’était assis à côté d’elle en silence. Il n’avait pas essayé de l’embrasser. Il avait approché ses mains d’elle et lui avait mis la chaîne en argent. Puis, il lui avait dit la phrase et était parti. Laissant une Tasha avec les larmes aux bords des yeux et une chaîne en argent qu’elle ne quitterait plus. «
Allez Tash… Tu vas bien devoir sortir de cette chambre un jour ou l’autre non ? » «
Non. » La rousse écarquilla les yeux, étonnée autant de la réponse immédiate que du fait d’entendre sa voix. «
Tu as décidé de te remettre à parler ? » «
Non. En fait, plutôt l’inverse. » Puis son visage se fit apeuré. Sa petite sœur ne parlait déjà pas beaucoup, elle ne pouvait pas parler encore moins si ? Ou alors, ça voudrait dire qu’elle ne parlerait plus du tout ? «
Tasha, tu vas pas faire vœu de mutisme si ? » «
Si. » Et ce fut le dernier mot qu’elle dit. Jusqu’à la rencontre avec un garçon qui ressemblait bien trop à Tim à son goût.
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Le jour des dix-huit ans de Tasha, et donc deux mois après l’histoire avec Felix, Anastasia a voulu allez voir d’autres paysages. Elle avait donc décidé de faire le tour des paysages Américains, décidant, évidemment, d’emmener Tasha avec elle. Il leur avait fallu quelques semaines avant de se poser quelque part. Cette petite ville nommé Pearl Trees. La châtain ne comprenait pas l’adoration de sa grande sœur pour cette petite ville. Elle n’avait selon elle rien de particulier. Mais voilà… Sa sœur en avait décidé ainsi. Toutes les deux avaient pris un appartement et, alors qu’Anastasia commençait à travailler, Tasha elle, s’était inscrite à l’université pour prendre des cours de littérature. Elle y avait rencontré Jakob avec qui elle s’était trouvé des points communs puis… Puis elle avait rencontré Benjamin. Il lui parlait de temps en temps, lui demandant pourquoi elle ne parlait. Et la pauvre Tasha ne savait pas ce qui l’étonnait le plus : que ce garçon qui ressemblait tant à Tim lui demande ça tout le temps ou que personne avant lui n’ai pensé à le faire. Mais il l’énervait. Il était toujours là à lui demander pourquoi elle ne parlait pas etc… Puis, vint se jour où, malgré lui, il l’avait fait parlé. «
Tu parles pas parce que tu es pas sure de toi. Tu crains qu’ils utilisent ce que tu dis contre toi. Tu as peur qu’ils te jugent. » En une phrase, il avait résumé contre toute attente la raison de son mutisme. Mais elle n’avait pas peur. Elle voulait protéger les gens qu’elle aimait. Et seuls deux choix se présentaient alors à elle. S’effondrer en sanglots ou lui crier au visage. Avant que son cerveau n’est le temps de choisir, sa bouche s’était ouvert et elle lui avait crié dessus comme si toute sa haine devait sortir d’un coup. Il lui avait suffi d’une phrase. Une phrase pour que ce gars gâche tout. Assise sur le banc habituel, Tasha tenait la photo de Tim dans les mains. Elle l’avait piqué dans la chambre d’Anastasia plus tôt dans la journée. Les deux sœurs recevaient souvent des lettres de la famille d’Andrej qui leur disait « ô combien » ils étaient heureux. Et ils leur envoyaient des photos. La ressemblance troublante entre Benjamin et Tim était d’autant plus frappante que la photo était une récente. La jeune femme sortit un briquet de sa poche et enflamma une partie de la photo. Lorsqu’elle ressentit une présence elle n’eut pas besoin de se tourner pour savoir qui s’était. Elle reconnaissait tout de lui, sa démarche lorsqu’il était de dos, son parfum, son affreux pull qui emportait partout… En fait, elle ne savait si elle devait le haïr ou le remercier. Et ça, ça l’énervait au plus haut point. Lorsqu’il prit la parole pour s’excuser, Tasha fut étonné pendant un moment. Il avait donc compris l’importance que le mutisme avait pour elle ou s’excusait-il parce qu’il l’avait fait crier ? Que ce soit l’un ou l’autre, elle ne pouvait rien laisser paraître. Elle lui répondit rapidement en lui disant qu’elle le haïssait. Parce que c’était le cas. Elle le haïssait d’autant l’apprécier, et elle se haïssait pour la même raison. Elle se leva, voulant lui échapper le plus rapidement possible et s’éloigna laissant tomber la photo par terre. Elle devait oublier Tim, elle devait oublier Félix et elle voulait ne plus jamais avoir à faire à Benjamin.
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La jeune châtain ne peut s’empêcher de regarder vers l’endroit où il est assis. Il la regarde, elle le sait. Et, même si elle n’ose pas se l’avouer, elle en ressent une grande satisfaction. Un garçon s’approche d’elle, doucement, et vient se coller pour danser. Elle lui sourit et fixe une dernière fois en direction de Benjamin. Elle veut qu’il la voie. La musique change et devient plus rapide, avec des basses plus fortes. Tasha ferme les yeux, pose ses bras sur les épaules du mec en face d’elle et se met à bouger sur le son de la musique. Musique entraînante, danse enivré, avec comme seule envie, celle de se jouer d’un garçon jaloux. Elle veut le voir jaloux, pour s’amuser se dit-elle. Pour s’assurer qu’il tient à elle, dirons les plus intelligents. Elle n’a pas l’habitude d’attirer les regards amoureux. En général, les mâles se contentent d’un regard de désir pour elle, et elle ne se contente que de ça aussi d’ailleurs. Mais pas cette fois. Cette fois, elle le regarde avec sadisme. Il n’a pas le droit de lui faire ressentir ça et d’ailleurs, elle le lui fait bien payer. Son esprit est ailleurs, comme embrumé. Elle ne sait pas vraiment ce qu’il se passe. Elle sent les mains du garçon devant elle se poser sur ses hanches. Elle ne réagit pas. Elle aime bien cette sensation de proximité. Elle ne peut pas réagir, l’esprit voilé par l’alcool qu’elle a ingurgité. Elle n’essaye pas de comprendre non plus lorsque ses lèvres rencontrent celles du garçon en face d’elle. Elle essaye de ressentir au mieux cette sensation. Mais elle n’aime pas ses lèvres à lui. Elle l’embrasse quand même, gardant en tête le visage de Benjamin, déformé par la jalousie. Il doit payer pour ce qu’il lui fait ressentir. Puis, leurs lippes se décrochent, et le garçon parle, doucement, avec une voix qu’il veut charmeuse mais qui fait stupide : «
Je m’appelle Abel, et toi ? » Elle ne répond pas, et au lieu de ça, pour ne pas qu’il pose plus de question, elle va chercher elle-même les lèvres de l’Abel. Elle se détache et voit Benjamin s’en aller. Elle a gagné. Elle a réussi. Et maintenant, elle n’a plus qu’à s’éloigner du garçon qui est devant elle. Il la dégoute. Elle lâche ses épaules et commence à partie en direction de son meilleur ami. Elle veut voir Jakob, lui faire comprendre qu’elle est fière d’elle. Il va encore lui dire qu’il faut qu’elle arrête de jouer avec Benjamin, mais elle ne l’écoutera pas, et elle partira. Mais au moment où elle se retourne, faisant dos à Abel, celui-ci lui prend le poignet et le sert. Il la ramène de nouveau vers elle. Elle ne sait pas comment réagir. Son esprit n’est pas clair. Elle regarde de nouveau derrière elle, espérant trouver Jakob, mais il n’est plus là. Il l’a laissé. Alors elle regarde Abel qui lui sourit narquoisement. Il lui ferait presque peur si elle n’était pas elle. Tasha, plus rien ne lui fait peur. Et ce, depuis un petit moment. Elle refuse d’avoir peur. Pas d’un garçon. Pas d’une soirée un peu trop alcoolisé. Elle sait encore se défendre. C’est ce qu’elle se dit. Ce qu’elle pense. Alors, lorsqu’il la tire en dehors de la piste de danse, elle le suit. Elle a repéré l’escalier dans lequel il voulait l’emmener, et la porte d’entrée n’est pas loin. Elle pourra se détacher à ce moment-là et sortir de la maison où ils étaient tous. Puis, elle rentrerait chez elle et elle ne reviendrait pas. Elle reverrait Benjamin le lendemain et elle ne lui parlerait pas. Mais elle l’écouterait lui parler, et ça lui ferait du bien. Et ça lui ferait du mal de savoir qu’il réussit à lui faire du bien. Elle voit l’escalier arriver, et elle dégage son poignet des doigts d’Abel qui lui sourit sadiquement. Elle fronce les sourcils et se recule sans le quitter des yeux. Elle a peur tout d’un coup. Elle se sent en danger et elle n’aime pas se sentir en danger. Elle marche à reculons de plus en plus vite. Mais bien vite, il l’a rattrapé et il lui reprend la main, la forçant à le suivre. Elle se débat mais un mouvement trop brusque lui donne l’impression que la salle tourne autour d’elle. L’alcool y est pour quelque chose. Elle s’arrête de bouger totalement, pour retrouver l’équilibre et fixe ses yeux dans ceux d’Abel, noirs de désir. Elle est effrayée désormais. Il l’entraine sans ménagement dans les escaliers. Elle bute sur trois ou quatre marches mais il n’en a que faire. Il la traine dans la première chambre libre qu’il trouve. Il la plaque au mur. Elle tente de se débattre, lançant ses poings au petit bonheur. Il plaque ses lèvres aux siennes. Elle se refuse à répondre. Elle ne veut pas lui faire se plaisir. Il passe doucement ses mains sous son t-shirt et elle se résout. Elle sait qu’elle ne lui échappera pas. Alors elle ferme les yeux, elle imagine des yeux bleus et des cheveux châtains. Elle imagine des lèvres qu’elle connait. Elle imagine un sourire qu’elle connait et elle imagine…une voix ? «
Lâche-là ! » La pression se relâche. Et elle se sent mieux. Elle n’a pas rouvert les yeux mais elle sait qu’il est là. Il est venu pour elle et elle aime ça. Mais elle n’aime pas aimer ça. Alors elle comprend. Il est venu l’aider. Il l’a sauvé de quelque chose que jamais, elle n’aurait pu oublier. Elle lui est redevable. Et c’est ce qu’elle aime le moins. Être redevable. Alors elle se décide à le faire croire qu’il est en cause. Elle lui lance un regard noir, avec toute la haine qu’elle ressent envers lui. Et elle passe à côté de lui, sans un mot, et s’en va. Soulagée, mais plus énervée que jamais.